Diversement appelé « zoroastrianisme »,
« mazdéisme » ou « religion avestique », cette religion reste
méconnue, malgré une tradition textuelle très abondante. Elle a pourtant séduite l’Iran et ses empires
pendant plus d’un millénaire.
Quelque part entre -1000 et -500, un certain Zarathushtra
(Zoroastre ; Zarathoustra ; Zarthosht) a entrepris une grande réforme
de la religion ancestral de l’Iran. Aux
dieux multiples de l’Iran, il a substitué un dieu suprême, Ahura Mazdâ /
Ormazhd (d’où « mazdéen ») et, face à lui, incréé comme lui, mais
inégal en force, un dieu du Mal, Ahriman (ou Aryo-Mainyus). Des autres divinités, il a fait des
serviteurs d’Ahura Mazdâ.
Ses prédications ont intéressé le puissant roi de la
Bactriane d’alors, Vistashpa, qui a protégé cette foi naissante. Les premiers disciples de Zarathushtra étaient
sa propre famille (son oncle, son gendre,…) puis il a formé d’autres qui,
errants, ont porté la nouvelle foi à travers l’Iran, en particulier dans ses
marches orientales. Cette religion a été
adopté, dans un forme probablement dilué, par les « Mages » de la
Médie, qui a leur tour l’ont transmis aux rois achéménides, dont la destinée
était impériale.
Reculant devant l’hellénisme, le zoroastrianisme a été
ressuscité par les Parthes, et surtout par les Sassanides qui en ont fait le
ciment de leur empire. L’invasion de
l’Iran par les tribus arabes a marginalisé cette religion mais elle ne s’est
jamais éteinte, comme le montre la recension médiévale, le Shah Nameh. Elle demeure
encore vivante de nos jours, avec environ 150.000 fidèles, regroupés pour
l’essentiel en Iran et en Inde.
Les sources
Le zoroastrianisme avait son livre sacré, appelé l’Avesta.
Ce qui a survécu à l’usure du temps représente un texte à peu près aussi
copieux que l’Ancien Testament et, comme lui, l’Avesta est le produit de
plusieurs siècles de réflexion théologique.
Il est difficile de mesurer ce qui a été perdu de l’œuvre canonique,
peut-être le deux tiers du texte initial.
Une partie peut être reconstitué à travers des traditions
textuelles parallèles. C’est le cas du Bundahishn, dont les manuscrits datent
de l’époque médiévale mais renvoient à un original antique. Le Bundahishn
est pour l’essentiel une cosmologie, comparable par sa matière au Genèse
biblique. Un autre texte important, le Denkart, est un long exégèse de l’Avesta
et contribue à expliciter son contenu.
La mythologie de la création
Au début existaient deux esprits, incréés ou, comme le dit
l’Avesta « appelés d’après leur propre opération en pensées, en paroles et
en actions ». L’un, Ahura Mazdâ,
était omniscient et intrinsèquement porté sur les actes bienfaisants. L’autre, Ahriman, était porté vers la destruction et la perversité. Savoir si c’était par
nature ou par choix est encore objet de débat entre les chercheurs modernes,
dont le point de vue dépend de leur interprétation (et de leur traduction) de
la parte la plus ancienne de l’Avesta.
Le fait que ces deux Esprits précèdent la Création est
important ; on peut en déduire que les deux ont un droit égal sur celle-ci. Ce qui n’est pas le cas pour une créature
comme par exemple Satan, qui n’est qu’une création de Dieu.
Dans l’état primitif de l’Univers, l’omniscient Ahura Mazdâ
est conscient de la présence de l’autre Esprit.
Ahriman, cependant, dont les facultés sont inférieures, ignore tout de l’existence
de son alter ego.
Dans cet état primitif de l’Univers, hors du Temps, Ahura
Mazdâ crée divers esprits, parmi lesquels les Amesha Spenta, les Yazata et les
Fravashi. Cette création est sans
pensée, sans mouvement, intangibles. A
la lecture du Bundahishn il semble que
cette création originelle soit inerte, mais alors on ne voit pas bien son
but ; peut-être est-il simplement empli de béatitude, sans ombre à l’horizon. Ou bien, le Bundahishn renferme une conception très philosophique de l’infini
et reconnaît que, sans Temps, il n’y a pas de notion « d’activité ».
Bref, Ahriman finit par découvrir Ahura Mazdâ et, par la
même occasion, sa création spirituelle et les choses de gâtent. La nature d’Ahriman le pousse à vouloir pour
cette Création la destruction, de la haine et de la guerre.
Ahriman ayant un pouvoir de création qui est l’égal de celui
de son adversaire, il fait naître les « Dévas ». Ces créatures perverses et difforment
envahissent l’Univers. Ahura Mazdâ,
malgré le dédain qu’il porte pour Ahriman, vient à craindre qu’à terme, le Mal ne
finisse pas déteindre sur ses propres créatures.
C’est cette inquiétude qui le pousse à un acte
radical : il propose à Ahriman de créer une bulle de Temps et, à
l’intérieur, un monde matériel comme théâtre de leur conflit. Le Temps de la Création durera 9.000 ans et à
sa fin, la bataille cosmique connaîtra un seul vainqueur. Ahriman accepte le marché, car dans son
manque d’omniscience, il ne comprend pas que sa défaite est certaine. C’est seulement alors qu’Ahura Mazdâ entonne
le Yatha ahu vairyo, un mantra de 21
mots qui révèle à Ahriman sa défaite écrite d’avance. L’Esprit du Mal est sonné pour trois mille
ans.
Ainsi est expliqué le
but du monde matériel : il sert à limiter dans le temps le conflit
avec Ahriman et y fixer une fin. Une
fois Ahriman définitivement vaincu, l’univers infini sera à nouveau pur de
toute tâche, pour l’éternité. La conséquence c’est que le monde matériel
n’est rien d’autre qu’un vaste champ de bataille entre le Bien et le Mal.
Pendant le millénaire où Ahriman gît en état de choc, Ahura
Mazdâ déroule la création matérielle : le ciel, les animaux et les
plantes, les hommes. Chaque chose dans
le monde matériel est dupliquée à partir de son original céleste. Ahura Mazdâ a donc prévu le monde matériel en créant, par avance, son jumeau céleste.
Le ciel est fait d’une feuille de métal et les étoiles sont
postées dans le firmament comme gardiens, pour empêcher à tout jamais qu’Ahriman
puisse s’échapper du monde physique et nuire à l’Infini hors du Temps.
Les plantes sont fabriquées à partir de l’eau, les animaux –
en premier, le Taureau primordial - et les hommes à partir du feu. Les premiers êtres humains sont Gav et
Gayomars.
Ahriman se réveille enfin de sa torpeur millénaire et part
en guerre contre la
Création. Pendant
cette bataille épique, chaque chose vivante comme chaque vertu morale est
opposé au déva qui incarne son antithèse.
Après une lutte de quatre-vingt dix jours, le Mal est refoulé mais non
sans avoir contaminé profondément le monde matériel (« comme si la fumée
d’un feu avait partout pénétré »). Depuis le réveil d’Ahriman, chaque chose
dans le monde matériel comporte un part plus ou moins grand de lui, les hommes
compris.
Ahriman et les Dévas ont dorénavant pour demeure l’Enfer,
auquel on accède par le trou crée dans la croute terrestre lorsqu’Ahriman fit
sa première irruption dans le monde matériel.
Après la bataille, une pluie diluvienne lave le monde de
l’excès de poison d’Ahriman et crée l’Océan qui encercle les régions terrestres.
La topographie du monde matériel
Entouré d’un Océan, le monde est divisé en sept kashwars ou régions, chacun apparemment
séparé des autres par un bras de l’Océan.
Le monde est plat et l’Iran est au centre. La croûte terrestre s’élève en une multitude
de montagnes.
Parmi les lieux terrestres surgis à la Création, sont d’une
importance particulière :
- la mer Vourushka, source
de toute eau pure qui lui est aspiré avant d’être porté dans le monde sous
forme de pluie. Dans cette même mer croît
l’arbre Gaokerena, qui est l’homa blanc. A la fin du Temps, le jus de l’homa blanc accordera
l’immortalité aux âmes ressuscitées. Son
arbre est gardé par deux immenses poissons, qui nagent tête à queue de façon à
toujours surveiller l’arbre. Leur adversaire est un monstre marin crée par
Ahriman.
- la mer Kanshu, où est préservé la semence de Zoroastre. De celle-ci naîtra, à la fin de chaque Ere,
un nouveau prophète (saoshyant). La semence du prédicateur est gardée par
99.999 fravashi.
-
la montagne Hara Berezaiti ou Harborz, situé quelque part dans la
chaîne des Elburz. Cette montagne est le pivot du cosmos autour de
laquelle tournent les astres et de son sommet, le Hukairya, coulent
toutes les eaux pures de la création. Libre de toute influence
ahrimanique, c'est ici que se situe l'entrée du Pont Cinwat, lieu du
jugement des âmes.
- l'Airyanem Vaejah, "le Pays des Aryens" (arya = "noble"),
berceau mythologique des peuples Iraniens et lieu paradisiaque avant
l'intervention d'Ahriman, qui l'affligea de dix mois d'hiver. Si ce
lieu a un correspondant réel, il se situe quelque part entre
l'Afghanistan et la Mer Caspienne.
Le destin du monde matériel
Il a été prévu qu’après les trois mille ans de torpeur
d’Ahriman et la grande bataille qui l’a suivi, viendront trois autres
millénaires. Chaque millénaire sera
placé sous l’égide d’un héros de la religion. Le
premier millénaire est celui de Yima (le
Jamshed du Shah Nameh) ; le
deuxième celui de Zahhak, un serviteur d’Ahriman ; le troisième sera clôt
par la prédication de Zoroastre.
Suite à la venue de Zoroastre, le monde durera trois mille
ans encore dans son état mélangé de Bien et de Mal. Ces trente siècles seront marqués par des
succès partiels et provisoires du Mauvais Esprit. A la fin de chaque millénaire, une jeune
femme se baignera dans la
mer Kanshu, sera imprégnée de la semence de Zoroastre et
donnera naissance à un nouveau prophète, qui grâce à sa grande pureté
s’entretiendra avec Ahura Mazdâ pour recueillir sa Loi. Ensuite aura lieu une bataille gigantesque
entre les troupes d’Ahura Mazdâ et d’Ahriman, qui durera 10, puis 20 puis 30
jours. Pendant celle-ci, le soleil
s’arrêtera dans son cours, pour apporter lumière et force aux troupes d’Ahura
Mazdâ.
Pendant le dernier millénaire, le neuvième depuis la
création du monde matériel, Zahhak échappera à sa prison et apportera partout la mort.
Face à lui se dressera Soshyant, le dernier
prophète. Il entamera la résurrection
des morts ; le premier qui se lèvera sera l’héros Kereçaçpa [Zal], qui fera
périr Zahhak pour toujours.
Le monde matériel connaîtra alors un temps de pureté, sans
mélange ; les hommes seront soient Bons, soient Mauvais, jamais les deux. Kay Khosrow, le troisième souverain de la
dynastie mythique des Kayanides, et l’archétype du bon souverain, sera à
nouveau roi du monde.
Viendra la Fin des Temps et la rénovation de l’Univers, la Frashegird. Ahriman
sera définitivement vaincu et rejeté en Enfer.
Toutes les âmes connaîtront alors la résurrection et, dans une grande
assemblée, les Justes seront séparés des Damnés. Les Damnés seront rejetés à nouveau en Enfer ;
seulement pour trois jours mais ils connaîtront une immense douleur.
Les montagnes et les collines fondront dans un brasier
purifiant et le métal qui en découle sera, pour les Justes, comme du lait tiède
et pour les Damnés, comme une terrible torture.
Alors, tous les hommes se réuniront ; les âmes des damnés
côtoieront les âmes des justes et seront sauvés par eux, car la damnation n’est pas éternelle.
Le métal scellera définitivement l’entrée des Enfers et le
monde matériel apparaîtra comme un disque plat, sans hauteur ni profondeur,
réuni enfin avec le monde immatériel et infini.
L’essence de la religion zoroastrienne
Certaines conceptions du zoroastrianisme sont élevées et,
par certains égards, s’approchent de la philosophie grecque ou de la religion du
Nouveau Testament. Il serait cependant
imprudent de pousser ce comparaison trop loin.
Malgré son étonnante « modernité », l’Avesta est quand même
truffé d’interdits et d’impératifs comportementaux qui appartiennent pleinement
à la pensée religieuse antique. On
citera notamment les causes et conséquences de l’impureté religieuse, qui
occupent des chapitres entiers et contiennent des prescriptions qui,
aujourd’hui, paraissent totalement absurdes.
La difficulté est, comme toujours, d’éviter de comparer l’Avesta à la
Bible dans le but d’une « course aux précédentes » et de le prendre
tel quel, pour lui-même.
L’Avesta nous dit que Ahura Mazdâ est une déité transcendant
et non-incarné, qui tranche par là avec la plupart des divinités antiques. On pense naturellement au Yahweh des Hébreux
comme un autre exemple de ce genre de divinité.
Autre point commun avec le judaïsme, Ahura Mazdâ réclame certes des sacrifices
sanglants mais surtout « le sacrifice des mauvaises pensées, des mauvaises
paroles et des mauvaises actions sur l’autel de la conscience ». Le zoroastrianisme accentue la communion entre homme et Dieu, même si
elle n’a rien d’une religion d’amour.
Tout ce que Ahurâ Mazdâ a crée est tiré de lui-même. Il est dit que « lorsqu’il créa les
premiers esprits, c’était sa maternité.
Lorsqu’il les recréa le monde matériel, c’était sa
paternité ». Chaque chose dans le monde matériel est le reflet de son jumeau celeste.
Dans le cas des hommes, Ahura Mazdâ interrogea des esprits
primordiaux appelés fravashis pour
savoir s’ils avaient la volonté d’être incarné dans le monde matériel et de
lutter contre Ahriman. Le risque pour
eux : leur corruption par le doctrine d’Ahriman et, par là, la séparation de
leur créateur. La récompense : la
possibilité de retrouver, dans 9.000 ans, un Univers lavé de toute salissure. Les fravashi
donnèrent leur accord et Ahura Mazdâ créa leur double matériel. Pour ma part, c’est la plus beau mythe de la
création des hommes dont j’ai connaissance.
Cette notion de fravashi
- qu’il ne faut pas réduire à un simple ‘ange gardien’ - est très
importante dans le zoroastrianisme. Elle
signifie que les hommes sont en communion étroite avec Ahura Mazdâ, d’abord
parce qu’ils sont de son essence – aucun homme n’est crée par Ahriman -
deuxièmement parce que leur double céleste, leur fravashi, est constamment présent devant le Dieu suprême, comme
l’est le fravashi des morts et les fravashi de ceux qui ont encore à
naître.
Suivre les doctrines
d’Ahriman éloigne l’âme de l’homme de la communion avec son Créateur, puis à la
mort et à l’envoi de l’âme corrompu aux Enfers, l’en prive. Cette rupture est partout présentée comme
source d’une immense souffrance.
Cependant, l’homme n’est pas le simple jouet des puissances
célestes. Chaque homme naît avec la connaissance de la voie vers Ahura Mazdâ
mais aussi avec dans son âme une part
d’Ahriman. Il appartient à son libre arbitre de suivre l’un ou l’autre et
cette religion reconnaît que la plupart des hommes suivront tantôt l’un, tantôt
l’autre.
La ligne est pourtant fine et la chute jamais loin, et éviter à son
âme et à ceux des autres une grande souffrance nécessite, pour chacun, une prise de conscience de la nature du
Bien et du Mal. Les dévas sont tapis
dans l’âme de l’homme mais paraissent impuissants si l’âme est guidée vers le
Bien.
Ce n’est pas tout à fait vrai. Il a été très joliment dit que le monde
matériel est, pour les zoroastriens, une « lente décantation
spirituelle » pendant neuf millénaires.
Le zoroastrianisme est parfois présenté comme une sorte d’exercice
mental, une philosophie où il appartient à l’homme d’exercer une emprise
spirituelle sur lui-même pour accéder au bonheur. Hélas, ce n’est pas si
« simple ». Comme je l’ai déjà
évoqué, le zoroastrien doit aussi lutter contre le monde matériel, qui
l’assaille avec beaucoup d’arbitraire. A
titre d’exemple, le simple fait de toucher un objet souillé rend impur,
qu’importe la pureté spirituelle du malheureux.
Celui qui est impur est en proie aux dévas, et fut-ce l’homme le plus
pur d’esprit, son âme est alors en danger mortel.
Comme Ahriman est présent dans chaque homme, il s’est également mélangé à tout autre
aspect du monde matériel. Parmi les
animaux, cela se manifeste par des espèces utiles et des espèces
nuisibles. Dans le monde végétal,
l’écorce ou les épines représentent le Mal, accrochés à la Bonne verdure. Parler de mélange est d’ailleurs imprécis,
« greffé » serait plus approprié, car comme il est dans le
Denkart : « comme le froid ne peut se maintenir là où est le chaud,
comme la sécheresse ne peut se maintenir là où est l’humidité, ainsi Ahriman ne
peut se maintenir là où se trouve Ahura Mazdâ ».
Par cette interpénétration extrême du Bien et du Mal, il
transpire que le zoroastrianisme est une religion dualiste où s’affrontent deux conceptions de l’existence diamétralement
opposées, nourris par deux êtres de rang égal, même si l’un des deux (Ahriman)
est très inférieur en capacités.
La pratique religieuse
Comment le fidèle mazdéen vit-il ou elle sa religion ?
Commençons par la « profession de foi » qui est ainsi :
« Je reprouve les dévas…j’attribue tout ce qui est bon à Ahura Mazdâ,
l’être parfait, aux pensées sages, être pur, riche et majestueux, à qui est
tout ce qui est de plus parfait, à qui la vache, à qui la sainteté, à qui les
astres, à qui la splendeur qui émane des astres…Je loue la pensée sainte, la
parole véridique, l’œuvre bien faite ».
On retrouve ici les bonnes pensées, les bonnes paroles et les bonnes
actions, triptyque au cœur du mazdéisme.
On pourrait aussi dire pensées pures, paroles pures et actions
pures car la pureté, asha, est une
préoccupation majeure des zoroastriens.
Comme dans toutes les religions antiques, l’homme impur ne peut plus
s’approcher de la sphère divine et se trouve isolé, en proie aux forces
mauvaises.
La pureté peut être perdu par des circonstances tout à fait
extérieur à sa personne. Il en est ainsi
– là aussi, comme dans la plupart des religions – pour la femme en menstruation
ou en suite de couches. Il en est de
même pour celui qui entre en contact physique avec un objet ou une personne
impure, car l’impureté est contagieuse et la « sainteté » d’une
personne ne lui offre aucune protection.
L’homme qui perd son asha
peut le regagner par des pénitences. Ces
pénitences consistent à frapper un certain nombre de coups avec l’aiguillon de
Craosha (une sorte de chasse-mouches, large, épais et dur), ce qui se traduit
par le devoir de tuer un certain nombre d’animaux ou d’insectes nuisibles. Cela paraît très particulier, mais il faut se
rappeler le dualisme zoroastrien, qui fait en sorte que de tels coups portent
atteint au monde ahrimanique.
Tous les crimes contre l’asha
ne sont pas remédiables. L’homme peut
devenir peshotanus, c'est-à-dire « dont le corps a
moralement péri ». Rendent
notamment peshotanus l’enterrement des
cadavres, des relations sexuelles inhabituelles, la mise à mort de certaines
créatures saintes et le fait de porter seul un cadavre. Une telle personne est envoyée à l’écart de
la communauté dans une structure emmurée.
Il y reste jusqu’à devenir « vieux et débile », puis sa tête
est tranchée et son corps livré aux oiseaux.
L’homme pur interroge intérieurement Ahura Mazdâ, grâce à la
communion déjà évoquée, et soumet son intelligence à ses révélations. Il est aussi du devoir du bon mazdéen de
nuire activement aux méchants : malgré sa réputation, le zoroastrianisme
n’a rien d’une religion pacifique. Sont
particulièrement haïs les tenants d’autres religions et surtout les hérétiques.
La mort
Comme dans n’importe quelle religion, la mort est un moment
important pour le zoroastrien. La
mythologie sur la vie post-mortem y
est particulièrement riche.
A la mort, l’âme (appelé aussi « principe de
connaissance ») erre près du corps pendant trois jours, où il est attaqué
par les dévas. Puis lui apparaît le
reflet de son âme – son daêna - sous
les traits d’une jeune fille. Elle sera
belle, si sa vie fut pure, hideuse s’il a vécu sa vie proche d’Ahriman. L’âme affronte ensuite le pont Cinwat ;
le vertueux le traverse vers le monde invisible, le méchant est emporté en
Enfer.
L’âme vertueuse peut atteindre l’un des trois cieux. Le plus exalté est le Garothman, où résident
Ahura Mazdâ lui-même avec les Amesha Spenta.
Le moins exalté est l’Hamistagan, demeure des Yazatas.
Dans l’un comme dans l’autre cas, l’âme quitte le monde
matériel et n’y a plus d’influence, jusqu’à la Frashegird. Comme
le dit le Denkart : avant la naissance, l’âme ne peut influer sur le monde
matériel ; et c’est pareil après sa mort, car sans corps, l’homme n’a ni
pensée, ni but. Il n’y a donc ni
réincarnation ni, à proprement parler, de culte d’ancêtres, même si ce dernier
est en partie transféré sur les Fravashi.
Quant au corps, objet le plus impur qui soit car tout entier
investi par la Druje Naçus,
la terre sur laquelle il est tombé ne doit pas être cultivé pendant une
année. Le corps est emporté dans un dakhma, une structure emmuré et au sol
carrelé. Il y est déposé pour être
dévoré par les oiseaux. Dans le
zoroastrianisme, le lieu où repose les morts n’a rien de sacré : dans le dakhma il est dit que les dévas se
réunissent, y mangent et y répandent leurs ordures. La destruction d’un dakhma – entendu une fois accompli son objectif – est considéré
comme un acte d’une grande piété.
Développements ultérieurs
Au contact de la religion babylonienne, le zoroastrianisme a
été fortement influencé par l’astrologie, et une tendance vers le mysticisme et
la gnose. Ce courant aboutit au zurvanisme. Le Temps (Zurvan) n’est plus la création
d’Ahura Mazda mais le créateur de deux esprits jumeaux, Spenta Mainyus et Aryo
Mainyus.
Zurvan promet le sceptre du monde à l’aîné mais fixe un
terme à la domination de celui-ci ; son frère régnera ensuite sur
l’infini.
Quant aux jumeaux, le Bien et le Mal leur sont présentés et
ils choissisent leur voie par leur libre arbitre. Aryo Mainyus choisit le Mal, puis déchire le
ventre de sa génitrice afin de naître le premier. Ainsi, dans le zurvanisme, le monde matériel
est mauvais non pas nature, mais par son gouvernement.
Le zoroastrianisme exerça également une grande influence sur
Mani. Ce prophète, né au début du 3ème siècle de notre ère, imprégné aussi
d’idées chrétiennes, rejeta l’idée du mélange et fit du monde matériel un lieu
entièrement corrompu, dans lequel la Lumière était emprisonnée dans la Matière. Etres lumineux, les hommes
doivent résister au Mal pour pouvoir rejoindre le domaine céleste. Ils parviennent ou ils chutent, il n’y a pas
de terrain intermédiaire. La langue
moderne se rappelle de sa doctrine sous l’adjectif de « manichéen ».
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